Tomi Ungerer... aurait eu 90 ans

Tomi Ungerer aurait eu 90 ans aujourd’hui. Tomi, c’est pour moi une rencontre d’exception. Une rencontre humaine d’abord avec un homme au talent immense : « je suis né le 28 novembre 1931, avant l’aube. Et si j’ai découvert la lumière, ce n’était pas celle du jour mais celle de l’Electricité de Strasbourg. Cette électricité jadis aussi régionale qu’aujourd’hui. »

C’est grâce à ES que j’ai rencontré Tomi Ungerer. Je connaissais ses Trois Brigands ainsi que Jean de la Lune. J’ai découvert comment il avait mis sa créativité au service des campagnes publicitaires et des calendriers d’ES pendant plusieurs années, avec une inventivité et une liberté de ton remarquable, liant l’électricité, ses usages, l’Alsace et la cathédrale de fils autant électriques qu’éclectiques. Je me suis régalé à contempler sa création prolifique et parfois érotique. A tel point qu’une année l’un de mes prédécesseurs crut bon de ne pas diffuser le calendrier commandé et réalisé, parce que Tomi avait osé quelques licences bien anodines vues d’aujourd’hui mais nettement moins resituées dans le contexte de l’époque. J’ai ainsi découvert cette facette de la personnalité foisonnante de Tomi, dans ses planches pour Fornicon, clairement et sans ambiguïté érotique, dénonciation d’une sexualité consumériste et mécanisée. Que Tomi ait réalisé ses œuvres merveilleuses pour les enfants, développé par ailleurs ses représentations érotisées, exprimé son engagement contre la course à l’armement nucléaire de la guerre froide avec ses squelettes et ses bombes, ou crié son refus de la ségrégation raciale en 1967 dans sa célèbre affiche Black Power/ White Power est pour moi une source inépuisable d’admiration et de reconnaissance.

C’est autour d’une bonne bouteille de rouge que Tomi et moi avons fait connaissance. Que nous nous sommes revus. Qu’est née, alors que j’étais Directeur Général du Groupe Electricité de Strasbourg, de cette proximité tissée sur des années entre l’artiste et les entreprises EDF et ES, l’idée de commander à Tomi Ungerer la Roue de l’Energie, interpelant les débats énergétiques dans leurs acceptions industrielles, environnementales, géopolitiques et sociétales.

La créativité de Tomi, son incroyable jeunesse d’esprit, sa totale liberté sont pour moi des valeurs essentielles auxquelles je suis profondément attaché et qui font que je suis heureux de ces moments partagés et de notre complicité dans le cheminement de cette œuvre. Il est un autre point, fondamental, sur lequel Tomi et moi nous nous retrouvions, c’est notre conscience environnementale. Que les anges du ciel, l’ami Tomi, veillent sur toi.